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Le collectif Ubuhle : Perles, Traditions et Sororité en Afrique du Sud


- Ntombephi Ntobela, Dynamic-Emergence, 75 x 75 cm, perles sur tissu, 2016. - Zandile Ntobela, Baobab at night, 47 x 58 cm , perles sur tissu, 2019. - Nonhlakanipho Mndiyatha, My dream, my home, perles sur tissu, 2020.



Travailler la perle était une activité particulièrement répandue en Afrique du Sud et notamment chez les Xhosa (1), un peuple originaire de la région des Grands Lacs. Il s’agit d’une tradition ancienne qui permettait aux femmes de créer des objets ornementaux, tout en servant également de marqueurs sociaux importants. Alors qu’il était quasiment tombé dans l’oubli, cet artisanat s’est vu ressusciter sous une forme artistique en 1999 car pour le collectif Ubuhle (2), « Le vrai progrès, c'est une tradition qui se prolonge » (3). C’est ainsi que débuta le projet de deux femmes, Ntombephi “Induna” Ntobela et de Bev Gibson, qui permettait à leurs consœurs de faire revivre cet art ancestral de la province du KwaZulu-Natal (Province du Natal) et d’utiliser leurs compétences pour obtenir une véritable autonomie financière.


Zondlile Zondo, African Fire, 107 × 69 cm, Perles sur tissu, 2016.
Zondlile Zondo, African Fire, 107 × 69 cm, Perles sur tissu, 2016.
Dépassant le caractère ornemental, les artistes du collectif Ubuhle utilisent des perles pour créer des œuvres d’art, grâce à la technique du ndwango (4) : elle consiste à étirer un tissu noir pour en faire un support en toile, puis à y coudre une myriade de minuscules perles afin de concevoir des scènes souvent figuratives et colorées. Les artistes profitent ainsi de la variété des styles qu’offrent leurs traditions.
Par exemple, la coutume des Xhosa favorise des tons neutres oscillant entre les roses, bleus et blancs. Quant aux femmes Zoulous, elles privilégient les couleurs vives comme Zondile Zondo, la seule artiste originaire de cette ethnie. Nécessitant dix mois de travail en moyenne, les œuvres d’art du collectif Ubuhle narrent essentiellement leurs croyances spirituelles, leur environnement quotidien mais aussi leurs histoires personnelles. C’est ainsi que nous pouvons constater la récurrence de la figure bovine qui représente l’aisance financière, l’arbre qui symbolise la spiritualité, la vie ainsi que l’évolution, et plus particulièrement dans l’œuvre de Nonhlakanipho Mndiyatha,le désir de stabilité et de sécurité, à travers la présence de maisonsstylisées. Par ailleurs, il est important de mentionner les ravages du VIH en Afrique du Sud et qui a fait perdre au collectif Ubuhle cinq de ses membres. À partir de 2006, le souvenir des morts devient alors un thème majeur et une forme de thérapie : une manière de faire son deuil et de rendre hommage.

Collectif Ubuhle, The African Crucifixion, 4.5 x 7.5m, Perles de verre cousues sur du tissu, Cathédrale de la Sainte-Nativité, Pietermaritzburg, Afrique du Sud, 2009.
Collectif Ubuhle, The African Crucifixion, 4.5 x 7.5m, Perles de verre cousues sur du tissu, Cathédrale de la Sainte-Nativité, Pietermaritzburg, Afrique du Sud, 2009.


Initialement réalisée pour la cathédrale anglicane de Pietermaritzburg, « The African Crucifixion » est certainement l’œuvre d’art majeure du collectif Ubuhle, datant de 2009. En plus d’être particulièrement monumentale (4,5 x 7,5 cm), elle représente une belle synthèse des caractéristiques artistiques du groupe vu qu’elle a sollicité la participation de sept artistes. Composée de trois scènes (l’arbre de la destruction, l’arbre du sacrifice et l’arbre de la vie), « The African Crucifixion » met en scène l’emblématique scène biblique réinterprétée de manière sud-africaine et avec les problématiques contemporaines. En effet, elle illustre comment survient la résurrection après une période sombre puis de rédemption. On retrouve un Christ noir au centre de la composition mais aussi des rubans rouges (le signe de la lutte contre le Sida) dans la scène de gauche, reflétant le fléau qui touchait alors le pays. Nous retrouvons également des figures récurrentes dans l’œuvre du collectif Ubuhle, telles que la maison et un crâne de taureau. Au-delà du thème religieux, les artistes interpellent le spectateur sur les difficultés que vivent les sud-africains, liées à la santé, l’alimentation, la sécurité et l’emploi, tout en donnant une lueur d’espoir vis-à-vis de leurs résolutions et ce, dans les années à venir.


Zandile Ntobela, Ntombephi “Induna” Ntobela, Zondile Zondo,  Thando Ntobela, The Captain, 53 x 86 cm, Perles sur tissu, 2022
Zandile Ntobela, Ntombephi “Induna” Ntobela, Zondile Zondo, Thando Ntobela, The Captain, 53 x 86 cm, Perles sur tissu, 2022


Les œuvres du collectif Ubuhle font actuellement partie des collections permanentes de nombreux musées aux États-Unis et en Afrique du Sud et ont été exposées à la Smithsonian Institution.


 

Sources


- Le site du collectif Ubuhle :

- « Shimmering bead "paintings" by South African women on view at the Four Arts »

Jan Sjostrom, Palm Beach Daily News :

- « Ubuhle Art Collective: Dreams Are Like Water », Contemporary And :

- « Come to my homeland Ubuhle et Astrid Dahl », Galerie Bonne Espérance :


 

- 1 « Xhosa » : Les Xhosa sont une ethnie d'Afrique du Sud parlant le xhosa et se désignant sous le nom d'amaXhosa.

- 2« Ubuhle » signifie « beauté » dans les langues Xhosa et Zoulou.

- 3Le vrai progrès, c'est une tradition qui se prolonge : citation de Michel Crépeau

- 4« Ndwango » : signifie « vêtement » et désigne un tissu noir qu’utilisent les femmes Xhosa pour créer initialement des jupes et des foulards.


 

Article rédigé par

Rama Barry

Historienne de l'art

© Oshūn Art

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