Suite à la deuxième édition de la Biennale BISO 2021 : l'Aventure ambiguë, Oshūn Art a eu l'honneur de recevoir le président-fondateur de cet événement exceptionnel, Christophe Person. Figure majeure de l'art contemporain africain, il dirige actuellement le département dédié à ce marché au sein de la maison de ventes aux enchères, Artcurial (1).
Promoteur de la scène artistique africaine, il s'investit constamment dans de nombreux projets tels que la construction d'un musée au Sénégal, en tant que membre de l’Advisory Board de la Fondation Josef et Anni Albers (Connecticut), et l’exposition itinérante «Exception d’Afrique», en tant que membre du comité de sélection (2). Résolument engagé dans la démocratisation de l'art contemporain africain, Christophe Person sur livre en exclusivité sur sa passion pour l'Art, les cultures africaines ainsi que sur ses actions quotidiennes pour les rendre accessibles à tous.
Bonjour Christophe Person,
Tout d’abord, nous vous remercions d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pouvez-vous nous expliquer, en premier lieu, d'où vous provient cette passion pour l'art contemporain africain ?
Christophe Person :
"Je suis passionné d’art depuis toujours, avec une prédilection pour l’art européen d’après-guerre que je connais bien, mais je me suis toujours intéressé à toutes les formes de création quelques que soient les géographies et les périodes.
J’ai travaillé environ 10 ans dans la finance et j’ai été pendant plusieurs années en charge de lever des fonds pour des entreprises sociales dans les pays en développement, en Afrique notamment.
Lorsque j’ai quitté le monde de la banque pour faire un master en Art, Law & Business chez Christie’s Education à Londres, c’est assez naturellement que j’ai combiné ces deux intérêts pour développer une expertise en Art Contemporain Africain. La période me semblait favorable en raison notamment du thème de la Biennale de Venise dont le curateur était Okwi Enwezor en 2015, lors de laquelle les artistes africains étaient mis à l’honneur."
Après avoir créé le département d'art contemporain africain de Piasa, vous êtes dorénavant à la tête du département d'Artcurial. Mais pour beaucoup, votre métier peut paraître obscur... À quoi ressemble exactement le quotidien d'un directeur d'un département au sein d'une maison de ventes aux enchères ?
Christophe Person :
"80% de mon temps est consacré à préparer les ventes qui se tiennent à un rythme de 3 à 4 par an actuellement. Nous recevons énormément de propositions de la part de vendeurs qui peuvent avoir toutes sortes de profil. Mon rôle est de faire le tri et de sélectionner les œuvres que nous pensons être capables de vendre en fonction du goût et l’appétence du marché. Ce n’est pas une science exacte. La décision de montrer tel ou tel artistes est guidée par notre connaissance de l’histoire de l’art, notre perception du marché et des attentes des collectionneurs, et une part d’intuition. 20% du temps restant est utilisé pour faire la promotion de la vente auprès des acheteurs potentiels, en faisant de la pédagogie pour expliquer pourquoi nous croyons à la pertinence des œuvres proposées."
A côté de votre premier métier purement lié au marché de l'art, vous œuvrez aussi à la promotion de votre secteur d'activité : Cela signifie-t-il que vous souhaitez être considéré comme une véritable figure de proue de l'art contemporain africain ?
Christophe Person :
" Dans une maison de vente aux enchères, nous sommes en aval du marché de l’art, en prise directe avec les collectionneurs qui sont au bout de la chaîne de cet écosystème. Pour autant, on ne peut pas perdre de vue l’importance capitale de soutenir l’amont de cette chaine de valeur que sont les artistes qui créent. C’est la raison pour laquelle avec mon partenaire Nyaba Ouédraogo, nous avons créé BISO, la Première Biennale Internationale de Sculpture de Ouagadougou. Notre objectif est multiple ; mettre la lumière sur la sculpture, fédérer les énergies créatrices à Ouagadougou, créer un événement de référence autour de ce thème au Burkina Faso, faire découvrir la richesse du pays aux artistes qui viennent en résidence de création pendant trois semaines... Nous souhaitons aussi sensibiliser les élites locales que l’art contemporain africain est le patrimoine de demain et qu’il faut œuvrer pour le soutenir, l’accompagner, le montrer en Afrique et développer une demande locale. "
Vous avez pour ambition de promouvoir l'art contemporain africain dans sa richesse et sa diversité. Connaissez-vous un foyer de création, un mouvement ou un artiste, qui mériterait d'être plus connu des amateurs d'art ?
Christophe Person :
"Au fur et à mesure que je découvre de nouvelles scènes, je constate que le continent africain regorge de talents qui mériteraient d’entrer dans le radar des collectionneurs d’art. Cela s’applique d’ailleurs aussi à l’art moderne africain, qui a produit des œuvres de grande qualité et qui est en train d’être redécouvert. C’est le cas notamment pour l’école de Dakar créée sous l’impulsion du Président Senghor, ou l’école du Hangar qui s’est développée à Elisabethville (aujourd’hui Lubumbashi) à la fin des années 1940, dont l’un des artistes les plus talentueux est Pilipili. Nous proposons plusieurs tableaux de cet artiste lors de notre vente d’art contemporain africain du 16 Novembre à Paris."
Trois œuvres de l'artiste Pilipili MULONGOY (1914-2007 - Congo)
- Lot 1 : "Simba" (Le lion en swahili)
- Lot 2 : Sans titre (Deux grues en vol)
- Lot 3 : Sans titre (Zèbres)
- @Artcurial -
Pour terminer notre entretien, nous souhaitons vous poser une dernière question : Vous accompagnez régulièrement des collectionneurs d'art. Que conseilleriez-vous à un néophyte qui souhaiterait investir dans le marché de l'art contemporain africain ?
Christophe Person :
"Je recommande les collectionneurs d’art contemporain africain de s’intéresser aux artistes qui s’inscrivent dans leur contemporanéité. Ce conseil, plus concret qu’il n’y parait, revêt plusieurs dimensions. Lorsque je regarde une œuvre d’art, je la confronte à l’histoire de l’art international, dans la mesure de ce que j’en connais, afin d’éviter les répétitions, sans tomber dans la nouveauté à tout prix. Je pense qu’il est également important que le message véhiculé par l’artiste, soit de son « actualité », même si l’actualité n’est pas partout et au même moment la même. Le message doit donc être le reflet de ce qui est important pour l’artiste ici et maintenant. Enfin, il faut garder à l’esprit que la maitrise de technique n’est pas tout, c’est l’aboutissement d’un apprentissage qu’il faut savoir dépasser."
Nous remercions chaleureusement Christophe Person d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Dans la continuité de ses actions au cours des dernières années, les projets futurs du directeur du département d'art contemporain d'Artcurial viseront à recourir aux moyens à sa disposition pour donner encore plus de visibilité à cette scène au bénéfice des artistes.
La prochaine vente aux enchères :
Mardi 16 novembre 2021 à 14h30
Artcurial
7 Rond-Point des Champs élysées
75008 Paris
Pour accéder à l'exposition virtuelle :
Pour accéder au catalogue en ligne :
(1) Le département d'Art contemporain africain d'Artcurial : https://www.artcurial.com/fr/art-contemporain-africain
Entretien mené par
Rama Barry
Historienne de l'art
© Oshūn Art
Crédits des photographies :
© Artcurial - Tous droits réservés
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